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la Diagonale de Kymaï
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5 Décembre 2017 - Kymaï et Pascal
la Diagonale de Kymaï

Running UACA : la Diagonale de Kymaï sur l’île de La Réunion

 

Imaginez le défi : 165 km en terrain accidenté, plusieurs dizaines d’heures de crapahut entre poussière et humidité, 9 700 m de dénivelé positif – plus qu’un Everest –, un point culminant à 2 206 m au coteau de Kerveguen, 2 600 coureurs et coureuses à l’assaut des pentes, 9,5 tonnes de denrées ingurgitées, 23 000 litres d’eau bus à grandes rasades en chemin... Ça s’appelle la Diagonale des Fous, ou Grand Raid. C’est sur l’île de La Réunion. Sa réputation en fait l’un des ultra-trails les plus durs au monde. Un truc de dingues. Et au Running, ils s’est trouvé un gars assez « fêlé » pour aller s’y frotter. Il s’appelle Mickaël Martin, ses ami(e)s du Running l’appellent Kymaï ou « le Gamin ». Il était le 19 octobre dernier au départ de l’édition 2017, à Saint-Pierre, traileur dossard 921 en quête de son Graal.

 

Une ambiance créole de fou

Mais le mieux placé pour en parler, au cœur de l’action, c’est évidemment Kymaï, qui nous raconte son « aventure de fou », du pur vécu dans la sueur, l’euphorie parfois, et la douleur :

« Il est 21 heures à Saint-Pierre de La Réunion. Je laisse Marine ma femme et mes amis à l’entrée du sas de contrôle du matériel, me voilà assis dans le parc parmi tous ces ultra-traileurs, dans l’attente du départ. Impatient, stressé, des doutes et des pensées plein la tête. Soudain, tout le monde se lève : 22 heures, ça y’est, c’est parti ! Une ambiance créole de fou, chaleureuse et joyeuse, la foule qui nous encourage, nous souhaite bonne chance, un homme lance “allez, l’arrivée c’est juste au bout, là !” Feu d’artifice sur fond de nuit réunionnaise, de la musique, les gens chantent, applaudissent, c’est de la folie pure !

 

Bouchon à la sortie de Domaine Vidot

« Je pars de l’arrière, me place sur la droite pour voir mes proches une dernière fois avant d’attaquer cette première nuit. Du monde sur les abords pendant les 15 premiers kilomètres, c’est dingue, c’est l’Alpe-d’Huez ! Le périple est lancé, go ! on part affronter cette grande dame de l’ultra-trail qui fait rêver, et peur à la fois. Là je flippe réellement, sentiment de doute... mais après tout il s’agit juste d’une longue balade… On attaque dans la nuit la première ascension, mais bouchon à la sortie de Domaine Vidot, km 15 : on m’avait prévenu, il faut être patient. Vitesse de croisière 45 minutes au km, 2 heures bloqué avant de pouvoir à nouveau avancer à mon rythme, c’est calme autour de moi même si nous sommes encore nombreux. Je rencontre un gars de Gommenec’h, énorme ! On a des amis en commun, le monde est (vraiment) petit ! Je profite de la nuit étoilée et du nombre de frontales autour de moi pour couper la mienne. J’ai une sacrée chance d’être là, alors je compte bien savourer chaque instant… 

 

Superbe vue sur le cirque de Cilaos

« Premier sommet, Nez de Bœuf, 2 040 m, km 39, et déjà 8 h 30’ de course dans les jambes. Et là, bim ! claque visuelle, un magnifique lever de soleil sur le piton des Neiges, à hauteur des nuages sur les sommets qui nous entourent. Je m’arrête et profite de ce spectacle unique, voilà pourquoi je suis là ! Première nuit bien passée, et le lever du jour fait le plus grand bien, me réveille et enfin on va en prendre plein les yeux... et plein les cannes… Direction le cirque de Cilaos, le soleil cogne, l’objectif est d’arriver frais au stade de Cilaos où m’attend Marine. Mais le chemin de Kerveguen est costaud, ça grimpe sec, 2 206 m, 700 m D+... enfin au sommet, la récompense, une superbe vue sur le cirque de Cilaos. J’aperçois tout là-bas le stade, point de ravitaillement clé. Il y a encore du chemin, et une belle descente technique ou il ne faut pas se blesser. L’arrivée au stade fait plaisir, une première partie de course est derrière moi : 15 heures de course, 65 km parcourus et 3 335 m D+ grimpés. Je retrouve Marine, que ça fait plaisir ! Une bonne douche bien fraîche, je me change, je mange et m’offre un bon massage auprès des kinés avant de repartir après 1 h 30 de pause. Je prends mon temps, l’objectif est d’aller au bout.

 

Plein de messages de soutien

« Une nouvelle course commence, direction le col du Taïbit et ses 2 080 m d’altitude (km 76). Une ascension difficile et technique, mais j’avance. Arrivé au sommet, la seconde nuit commence à s’installer, et j’appréhende : elle va être plus longue et plus délicate que la première. Je ne traîne pas et descend en vitesse vers Marla, que j’atteins juste à la tombée de la nuit. Là je reprends des forces, petit apéro, Coca, saucisson, toast aux rillettes suivi d’un bon rougaille saucisses. Ça fait du bien ! Mais la solitude est là, ça fait un bon moment que je cours en solo, je me pose un peu, prépare mon matos pour la nuit, et consulte mon téléphone. Je regarde où en sont les collègues bretons sur ce GRR, et ça marche fort pour eux, ils sont déjà loin. Et là je vois plein de messages de soutien, la vache que ça fait plaisir ! Messages vocaux, coup de fil à ma copine et aux potes, textos, c’est énorme de voir ça, la solitude s’envole. A 10 000 km de distance, voir autant de monde qui me suit... Quelle aventure, je reprends du poil de la bête, regarde les raiders qui s’enroulent dans leurs couvertures, je repars en footing pour me rapprocher un peu plus du finish. Je me retrouve dans un groupe, le sol est peu agréable, des marches, l’allure est lente dans le groupe, je commence à piquer du nez. Pas bon ça, je décide d’accélérer quitte à me retrouver seul, mais au moins je suis dynamique, et ça fonctionne.

 

Sur la crête, au cœur de Mafate, le vide de chaque côté

« J’attaque l’ascension vers le col des Bœufs (1 950 m), de là je rencontre un gars qui en est à son 3e Grand Raid. Tout bon pour moi, il connaît le parcours, il trouve que j’ai une bonne allure et décide de m’accompagner. On discute, les kilomètres s’enchaînent, petite soupe à plaine des Merles (km 85). Il me refile des conseils, la confiance est là malgré la fatigue et la nuit, mais le parcours n’est pas tendre et le sol est atroce en filant vers Grand Place. On se retrouve en plein cœur de Mafate, sur la crête, le vide de chaque côté, on s’en rend même pas compte dans la nuit. Sur le sentier à travers le cirque, on aperçoit les premiers au loin, leurs frontales qui filent déjà sur le sommet du Maïdo Tête dure (2 030 m). Une image impressionnante. Allez, faut pas se laisser abattre... Mon compagnon de chemin chute et va devoir se reposer là. Je le salue et continue mon chemin, beaucoup de trailers dorment sur le bord du sentier emmitouflés dans leur couverture de survie. Je commence vraiment à être épuisé mais je m’efforce à aller jusqu’au prochain ravito, Grand Place Ecole (km 98, 5 521 m D+).

 

« Vers Roche Ancrée, me voilà cent-bornard ! »

« Il est 1 h 40, je retrouve un collègue breton résidant à la Run, ça fait plaisir d’échanger. Il est plus frais que moi, je décide de dormir, pas de lit, ça sera donc le sol et ma couverture de survie. Je pars sur 1 h 30 de sieste mais me réveille au bout de 45 minutes, dur, mais une bonne soupe et je repars. Descente vers Roche Ancrée, au passage me voilà cent-bornard ! Le jour se lève et une ascension difficile et marquée vers Roche Plate s’annonce. Que c’est dur, des marches, le mental prend une claque, le Maïdo n’est plus très loin mais j’avance péniblement. Enfin l’école, je ne m’attarde pas trop pour attaquer rapidement cette sacrée montée du Maïdo où m’attendent mes proches. Le soleil tape au petit matin, une foule au sommet, mes amis m’encouragent, l’un d’eux m’accompagne... que c’est bon, que ça fait plaisir ! Il est 9 h 30, j’en suis à 114 km, la Redoute se profile, je commence à y penser mais il reste encore un sacré chantier. Je file vers Sans Souci, une descente de 13 km et 1 700 m D-, et elle fait des dégâts. Arrivé en bas, je ne peux plus courir, plus de genoux, de quadris, d’ischios, le mental en prend une claque, j’en ai marre !

 

Jambes en miettes sur le chemin des Anglais

« Je vais devoir passer une troisième nuit, et ça m’en fout un coup. Mais c’est sans compter sur mes potes et Marine qui sont là pour me rebooster. De là, l’assistance du Team Gaspar Bretagne me prend en charge, suit un super massage par la kiné en chef qui m’offre une paire de jambes toutes neuves. Au top, je repars en footing accompagné de mon pote marseillais vers la Rivière des Galets. Passage à la Possession (km 144) à 18 heures, je rentre dans ma troisième et dernière nuit. Chemin des Anglais : un chemin de croix, c’est horrible, des pavés de dingues dans la nuit et ça ne fait que monter ou descendre. J’ai les jambes en miettes, je peste mais serre les dents... Dernière montée vers Colorado à 700 m D+ de Grande Chaloupe, que c’est long mais je commence à réaliser, à sourire bêtement seul dans la nuit. Je suis sur le sentier de la Diagonale des Fous et je vais en venir à bout ! L’émotion me submerge, la fatigue, l’épuisement, je continue à grimper, le moindre obstacle devient un véritable périple. 

 

« Je suis un fou, j’ai survécu ! » 

« Enfin le dernier ravito, Colorado, km 160. J’échange avec les bénévoles qui auront été vraiment super tout au long de ce Grand Raid. Je confirme, il s’agit bien là d’une course extrême. Je souffre des pieds mais serre une dernière fois les dents pour entamer l’ultime descente vers le mythique stade de la Redoute. Je suis épuisé, la descente est longue et pénible, j’ai l’impression de rêver ce que je vis, mais je suis encore assez lucide pour ne pas tomber dans les pièges de ce sentier très technique. Enfin la lumière, la musique, le public, mes proches qui foulent avec moi cette piste terreuse du stade, je ne réalise pas : 51 h 40’, 165 km, 9 553 m D+. Je suis un fou, j’ai survécu ! La médaille autour du cou, j’ai réalisé un rêve !

Un grand merci à l’OTT, aux sponsors Opel, Awel Intérim, Armor Lux, Endurance Shop, Breizh Chrono et Klikego, à Claude Salmon, à Bernard Gautier, à mes coachs Nathalie, Christophe (Malardé) et Denis, à ma chérie Marine, à ma famille, à l’UACA, à mes amis et à tous ceux qui m’ont suivi et encouragé.

Merci à tous !

Je dédie ce témoignage à Salvator... à Matthieu Craff trop tôt disparu… » 

 

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