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Running UACA : la
Diagonale de Kymaï sur l’île de La Réunion
Imaginez le défi : 165 km en terrain accidenté, plusieurs dizaines
d’heures de crapahut entre poussière et humidité, 9 700 m de dénivelé positif –
plus qu’un Everest –, un point culminant à 2 206 m au coteau de Kerveguen,
2 600 coureurs et coureuses à l’assaut des pentes, 9,5 tonnes de denrées
ingurgitées, 23 000 litres d’eau bus à grandes rasades en chemin... Ça
s’appelle la Diagonale des Fous, ou Grand Raid. C’est sur l’île de La Réunion.
Sa réputation en fait l’un des ultra-trails les plus durs au monde. Un truc de
dingues. Et au Running, ils s’est trouvé un gars assez « fêlé » pour aller s’y
frotter. Il s’appelle Mickaël Martin, ses ami(e)s du Running l’appellent Kymaï
ou « le Gamin ». Il était le 19 octobre dernier au départ de l’édition 2017, à
Saint-Pierre, traileur dossard 921 en quête de son Graal.
Une ambiance créole de fou
Mais le mieux placé pour en parler, au cœur de l’action, c’est
évidemment Kymaï, qui nous raconte son « aventure de fou », du pur vécu dans la
sueur, l’euphorie parfois, et la douleur :
« Il est 21 heures à Saint-Pierre de La Réunion. Je laisse Marine
ma femme et mes amis à l’entrée du sas de contrôle du matériel, me voilà assis
dans le parc parmi tous ces ultra-traileurs, dans l’attente du départ.
Impatient, stressé, des doutes et des pensées plein la tête. Soudain, tout le
monde se lève : 22 heures, ça y’est, c’est parti ! Une ambiance créole de
fou, chaleureuse et joyeuse, la foule qui nous encourage, nous souhaite bonne
chance, un homme lance “allez, l’arrivée c’est juste au bout, là !” Feu
d’artifice sur fond de nuit réunionnaise, de la musique, les gens chantent,
applaudissent, c’est de la folie pure !
Bouchon à la sortie de Domaine
Vidot
« Je pars de l’arrière, me place sur la droite pour voir mes
proches une dernière fois avant d’attaquer cette première nuit. Du monde sur
les abords pendant les 15 premiers kilomètres, c’est dingue, c’est
l’Alpe-d’Huez ! Le périple est lancé, go ! on part affronter cette
grande dame de l’ultra-trail qui fait rêver, et peur à la fois. Là je flippe
réellement, sentiment de doute... mais après tout il s’agit juste d’une longue
balade… On attaque dans la nuit la première ascension, mais bouchon à la sortie
de Domaine Vidot, km 15 : on m’avait prévenu, il faut être patient.
Vitesse de croisière 45 minutes au km, 2 heures bloqué avant de pouvoir à
nouveau avancer à mon rythme, c’est calme autour de moi même si nous sommes
encore nombreux. Je rencontre un gars de Gommenec’h, énorme ! On a des
amis en commun, le monde est (vraiment) petit ! Je profite de la nuit
étoilée et du nombre de frontales autour de moi pour couper la mienne. J’ai une
sacrée chance d’être là, alors je compte bien savourer chaque instant…
Superbe vue sur le cirque de
Cilaos
« Premier sommet, Nez de Bœuf, 2 040 m, km 39, et déjà 8 h 30’ de
course dans les jambes. Et là, bim ! claque visuelle, un magnifique lever
de soleil sur le piton des Neiges, à hauteur des nuages sur les sommets qui
nous entourent. Je m’arrête et profite de ce spectacle unique, voilà pourquoi
je suis là ! Première nuit bien passée, et le lever du jour fait le plus
grand bien, me réveille et enfin on va en prendre plein les yeux... et plein
les cannes… Direction le cirque de Cilaos, le soleil cogne, l’objectif est
d’arriver frais au stade de Cilaos où m’attend Marine. Mais le chemin de
Kerveguen est costaud, ça grimpe sec, 2 206 m, 700 m D+... enfin au sommet, la
récompense, une superbe vue sur le cirque de Cilaos. J’aperçois tout là-bas le
stade, point de ravitaillement clé. Il y a encore du chemin, et une belle
descente technique ou il ne faut pas se blesser. L’arrivée au stade fait
plaisir, une première partie de course est derrière moi : 15 heures de
course, 65 km parcourus et 3 335 m D+ grimpés. Je retrouve Marine, que ça fait
plaisir ! Une bonne douche bien fraîche, je me change, je mange et m’offre
un bon massage auprès des kinés avant de repartir après 1 h 30 de pause. Je
prends mon temps, l’objectif est d’aller au bout.
Plein de messages de soutien
« Une nouvelle course commence, direction le col du Taïbit et ses 2 080
m d’altitude (km 76). Une ascension difficile et technique, mais j’avance.
Arrivé au sommet, la seconde nuit commence à s’installer, et
j’appréhende : elle va être plus longue et plus délicate que la première.
Je ne traîne pas et descend en vitesse vers Marla, que j’atteins juste à la
tombée de la nuit. Là je reprends des forces, petit apéro, Coca, saucisson,
toast aux rillettes suivi d’un bon rougaille saucisses. Ça fait du bien !
Mais la solitude est là, ça fait un bon moment que je cours en solo, je me pose
un peu, prépare mon matos pour la nuit, et consulte mon téléphone. Je regarde
où en sont les collègues bretons sur ce GRR, et ça marche fort pour eux, ils
sont déjà loin. Et là je vois plein de messages de soutien, la vache que ça
fait plaisir ! Messages vocaux, coup de fil à ma copine et aux potes,
textos, c’est énorme de voir ça, la solitude s’envole. A 10 000 km de distance,
voir autant de monde qui me suit... Quelle aventure, je reprends du poil de la
bête, regarde les raiders qui s’enroulent dans leurs couvertures, je repars en
footing pour me rapprocher un peu plus du finish. Je me retrouve dans un
groupe, le sol est peu agréable, des marches, l’allure est lente dans le
groupe, je commence à piquer du nez. Pas bon ça, je décide d’accélérer quitte à
me retrouver seul, mais au moins je suis dynamique, et ça fonctionne.
Sur la crête, au cœur de
Mafate, le vide de chaque côté
« J’attaque l’ascension vers le col des Bœufs (1 950 m), de là je
rencontre un gars qui en est à son 3e Grand Raid. Tout bon pour moi, il connaît
le parcours, il trouve que j’ai une bonne allure et décide de m’accompagner. On
discute, les kilomètres s’enchaînent, petite soupe à plaine des Merles (km 85).
Il me refile des conseils, la confiance est là malgré la fatigue et la nuit,
mais le parcours n’est pas tendre et le sol est atroce en filant vers Grand
Place. On se retrouve en plein cœur de Mafate, sur la crête, le vide de chaque
côté, on s’en rend même pas compte dans la nuit. Sur le sentier à travers le
cirque, on aperçoit les premiers au loin, leurs frontales qui filent déjà sur
le sommet du Maïdo Tête dure (2 030 m). Une image impressionnante. Allez, faut
pas se laisser abattre... Mon compagnon de chemin chute et va devoir se reposer
là. Je le salue et continue mon chemin, beaucoup de trailers dorment sur le
bord du sentier emmitouflés dans leur couverture de survie. Je commence
vraiment à être épuisé mais je m’efforce à aller jusqu’au prochain ravito,
Grand Place Ecole (km 98, 5 521 m D+).
« Vers Roche Ancrée, me voilà
cent-bornard ! »
« Il est 1 h 40, je retrouve un collègue breton résidant à la Run,
ça fait plaisir d’échanger. Il est plus frais que moi, je décide de dormir, pas
de lit, ça sera donc le sol et ma couverture de survie. Je pars sur 1 h 30 de
sieste mais me réveille au bout de 45 minutes, dur, mais une bonne soupe et je
repars. Descente vers Roche Ancrée, au passage me voilà cent-bornard ! Le
jour se lève et une ascension difficile et marquée vers Roche Plate s’annonce.
Que c’est dur, des marches, le mental prend une claque, le Maïdo n’est plus
très loin mais j’avance péniblement. Enfin l’école, je ne m’attarde pas trop
pour attaquer rapidement cette sacrée montée du Maïdo où m’attendent mes
proches. Le soleil tape au petit matin, une foule au sommet, mes amis
m’encouragent, l’un d’eux m’accompagne... que c’est bon, que ça fait
plaisir ! Il est 9 h 30, j’en suis à 114 km, la Redoute se profile, je
commence à y penser mais il reste encore un sacré chantier. Je file vers Sans
Souci, une descente de 13 km et 1 700 m D-, et elle fait des dégâts. Arrivé en
bas, je ne peux plus courir, plus de genoux, de quadris, d’ischios, le mental
en prend une claque, j’en ai marre !
Jambes en miettes sur le chemin
des Anglais
« Je vais devoir passer une troisième nuit, et ça m’en fout un
coup. Mais c’est sans compter sur mes potes et Marine qui sont là pour me
rebooster. De là, l’assistance du Team Gaspar Bretagne me prend en charge, suit
un super massage par la kiné en chef qui m’offre une paire de jambes toutes
neuves. Au top, je repars en footing accompagné de mon pote marseillais vers la
Rivière des Galets. Passage à la Possession (km 144) à 18 heures, je rentre
dans ma troisième et dernière nuit. Chemin des Anglais : un chemin de
croix, c’est horrible, des pavés de dingues dans la nuit et ça ne fait que
monter ou descendre. J’ai les jambes en miettes, je peste mais serre les
dents... Dernière montée vers Colorado à 700 m D+ de Grande Chaloupe, que c’est
long mais je commence à réaliser, à sourire bêtement seul dans la nuit. Je suis
sur le sentier de la Diagonale des Fous et je vais en venir à bout !
L’émotion me submerge, la fatigue, l’épuisement, je continue à grimper, le
moindre obstacle devient un véritable périple.
« Je suis un fou, j’ai
survécu ! »
« Enfin le dernier ravito, Colorado, km 160. J’échange avec les
bénévoles qui auront été vraiment super tout au long de ce Grand Raid. Je
confirme, il s’agit bien là d’une course extrême. Je souffre des pieds mais
serre une dernière fois les dents pour entamer l’ultime descente vers le
mythique stade de la Redoute. Je suis épuisé, la descente est longue et
pénible, j’ai l’impression de rêver ce que je vis, mais je suis encore assez
lucide pour ne pas tomber dans les pièges de ce sentier très technique. Enfin
la lumière, la musique, le public, mes proches qui foulent avec moi cette piste
terreuse du stade, je ne réalise pas : 51 h 40’, 165 km, 9 553 m D+. Je
suis un fou, j’ai survécu ! La médaille autour du cou, j’ai réalisé un
rêve !
Un grand merci à l’OTT, aux sponsors Opel, Awel Intérim, Armor Lux,
Endurance Shop, Breizh Chrono et Klikego, à Claude Salmon, à Bernard Gautier, à
mes coachs Nathalie, Christophe (Malardé) et Denis, à ma chérie Marine, à ma
famille, à l’UACA, à mes amis et à tous ceux qui m’ont suivi et encouragé.
Merci à tous !
Je dédie ce témoignage à Salvator... à Matthieu Craff trop tôt disparu…
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Quelques photos ici
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